Après quelques mois voire années de tentatives infructueuses de grossesse, de nombreux couples sont dirigés vers l’AMP (Aide Médicale à la Procréation). Dans un premier temps, il leur est proposé de réaliser certaines analyses (prises de sang et spermogramme). Ces analyses doivent être réalisées rapidement, afin de s’assurer qu’aucun trouble mécanique ou hormonal ne bloque le processus chez l’homme aussi bien que chez la femme.
En fonction des résultats de ces analyses, de l’âge du couple et de ses antécédents médicaux, seront proposés différents protocoles (FIV, stimulations, inséminations). Mais il est assez fréquent que toutes les causes d’hypofertilité féminine n’aient pas été investiguées. Or les techniques médicales d’AMP peuvent entraîner des effets secondaires et des risques qu’il faut bien évaluer avant d’entamer un traitement. Ces techniques d’AMP sont une avancée médicale majeure pour lutter contre l’infertilité, mais il faut bien admettre que ces parcours peuvent être lourds, contraignants et difficiles à vivre pour les couples. Et le succès est loin d’être assuré, puisque selon les derniers chiffres de l’INED, après huit ans de parcours, seuls 48% des couples deviennent parents grâce à la PMA.
Je vous propose donc de passer en revue des causes simples et parfois oubliées qui peuvent être à l’origine d’une hypofertilité féminine. Je traiterai les causes d’hypofertilité masculine dans un autre article.
1. L’équilibre hormonal
La première cause la plus fréquente d’infertilité féminine est l’équilibre hormonal.
En effet, des taux optimaux d’œstrogènes au moment de l’ovulation vont rendre possible la fécondation de l’ovocyte. Une fois l’ovocyte fécondé, une progestérone adéquate permettra son implantation au niveau de l’utérus et la poursuite de la grossesse. Cette phase post-ovulatoire (lutéale) doit être suffisamment longue. Elle doit durer entre 11 et 16 jours, pour que la nidation puisse se faire. L’équilibre hormonal en post ovulatoire est le reflet de la qualité ovulatoire. Pour avoir une idée de la qualité ovulatoire, il faut faire un dosage sanguin à J+7 après l’ovulation afin de mesurer œstradiol et progestérone lorsqu’ils sont à leur pic. Or je vois très fréquemment au cabinet des femmes pour qui ces dosages hormonaux basiques n’ont pas été faits ou alors pas au bon moment du cycle… Doser une progestérone à J+3 du cycle n’est pas très utile, puisqu’elle secrétée majoritairement en post ovulatoire.
Voici quelques signes qui peuvent vous mettre sur la piste d’un manque d’œstrogènes : muscles du ventre relâchés, baisse de la vitalité, force musculaire en diminution, baisse de la mémoire, bouffées de chaleur, sueur abondante, cycles menstruels trop courts, règles de moins de 3 jours et/ou peu abondantes, muqueuse sèche au niveau de la bouche, des yeux, du vagin, fragilité émotionnelle, anxiété, dépression, irritabilité avant les règles, diminution de la taille du soutien-gorge.
Si vous souffrez en phase pré-menstruelle d’anxiété, d’irritabilité, du bas ventre gonflé, ou de tout autre symptôme du syndrome pré menstruel, il est fort probable que vous n’ayez pas un taux de progestérone optimal.
La prolactine est intéressante à faire doser également. Il arrive que certaines femmes sécrètent trop de prolactine (hyperprolactinémie) et que cela bloque l’ovulation. Cette hormone est à doser l’après-midi, après 20 minutes de repos au laboratoire, pas au moment de l’ovulation (à faire pendant ou après les règles).
2. L’hypothyroïdie
La deuxième cause la plus fréquente d’hypofertilité est l’hypothyroïdie.
Se baser uniquement sur une TSH comprise entre 0.5 et 4 pUI/ml (les valeurs de références habituelles des laboratoires) pour dire qu’une femme n’est pas en hypothyroïdie est très approximatif et c’est surtout une vision incomplète des choses. Il faut savoir que ces marqueurs peuvent être dans la « fourchette » acceptable du laboratoire, et pourtant une femme peut quand même avoir un problème de thyroïde. Néanmoins il restera indétecté parce qu’on ne lui aura pas fait faire de bilan complet. En santé fonctionnelle, nous prenons en compte d’autres indicateurs tels que la T4L, T3L, anticorps anti-thyroglobuline (anti-TG), anticorps anti-TPO, ainsi que le zinc, le sélenium et une iodurie des 24h pour détecter d’éventuelles carences. Par ailleurs, une TSH supérieure à 2 pUI/ml ne signe pas une thyroide fonctionnant de manière optimale.
Si une femme se plaint de frilosité, fatigue matinale, température matinale < 36,2°C, constipation, difficulté à gérer son poids, lenteur de digestion, hypercholestérolémie à LDL, fausses couches à répétition, ce sont des signes cliniques assez évocateurs d’une thyroïde fonctionnant au ralenti. Il serait intéressant si certains de ces symptômes sont présents de demander à son médecin ou sa sage-femme de lui prescrire un bilan thyroïdien complet.
Des carences en vitamine B12 (méthylcobalamine) et en vitamine B9 (méthyltetrahydrofolate) sont très fréquentes et également une cause d’hypothyroïdie.
3. Les troubles de l’ovulation
Les troubles de l’ovulation sont une cause majeure d’hypofertilité féminine, car ils affectent directement la libération de l’ovule nécessaire à la fécondation.
Certaines femmes souffrent d’anovulation (absence d’ovulation), ce qui empêche la rencontre entre un ovule et un spermatozoïde. D’autres ont des ovulations irrégulières, rendant difficile l’identification des périodes fertiles. C’est assez fréquent chez les femmes souffrant d’un SOPK (Syndrome des Ovaires Polykystiques), lire l’article à ce sujet. Dans ce cas de figure, la symptothermie peut être d’une grande aide pour identifier la période la plus fertile de son cycle et valider qu’une ovulation a eu lieu. J’ai rédigé un article complet à ce sujet.
Par ailleurs, un trouble de l’ovulation peut affecter la maturation des ovocytes, réduisant leurs chances d’être fécondés ou d’aboutir à une grossesse viable. Utiliser la symptothermie permettra de savoir à quel moment doser oestrogènes et progesterone puisqu’il est idéal de les faire doser 7 jours après l’ovulation pour avoir un idée de la qualité ovulatoire.
En résumé, sans ovulation régulière et de bonne qualité, la fécondation et l’implantation sont compromises, ce qui entraîne une hypofertilité.
4. Le gluten
Une cause d’infertilité relativement méconnue des gynécologues et pourtant assez fréquente dans la population est la dysbiose intestinale liée au gluten. En effet, l’inflammation intestinale peut engendrer une production de cytokines par les globules blancs de la paroi, or ces cytokines vont bloquer les récepteurs hormonaux aux oestrogènes, à la progestérone, à l’insuline et à certains neurotransmetteurs. Il peut en en résulter dépression, fatigue, troubles de l’attention, ou baisse de libido.
Des études ont montré que les femmes souffrant d’intolérance au gluten avaient un risque plus élevé d’être confrontées à des difficultés de procréation.
Dans une étude parue dans la revue Human Reproduction Update, les auteurs ont effectué une analyse des études épidémiologiques. Ils rapportent que les patientes ayant des problèmes de reproduction ont un risque plus élevé d’être diagnostiquées intolérantes au gluten que la population générale.
Inversement, les patientes déjà diagnostiquées pour intolérance au gluten ont un risque plus élevé de fausses couches ou retard de croissance.
Ces risques sont fortement diminués par l’adoption d’une alimentation sans gluten.
5. Carence en coenzyme Q10 et vitamine D
La coenzyme Q10 (CoQ10) joue un rôle clé dans la fertilité, car elle est impliquée dans la production d’énergie cellulaire et la protection contre le stress oxydatif. Une carence en CoQ10 peut entraîner une infertilité pour deux raisons principales :
– Une altération de la qualité des ovocytes : les ovocytes ont un besoin énergétique élevé pour leur maturation et leur division. La CoQ10 participe à la chaîne respiratoire mitochondriale, qui produit l’ATP (énergie nécessaire aux cellules). Une carence entraîne un déficit énergétique, affectant la maturation des ovocytes et leur capacité à être fécondés.
– L’augmentation du stress oxydatif : la CoQ10 est un antioxydant puissant qui protège les ovocytes des dommages causés par les radicaux libres. Une carence peut entraîner des anomalies génétiques, une mauvaise qualité des gamètes et des échecs d’implantation embryonnaire.
Par ailleurs, une carence en vitamine D peut entraîner une hypofertilité car cette vitamine joue un rôle essentiel dans la régulation hormonale, la qualité des gamètes et la préparation de l’utérus à la grossesse. La vitamine D influence la production des hormones reproductrices, comme la FSH (hormone folliculo-stimulante) et la progestérone. Une carence peut entraîner des troubles de l’ovulation, réduisant ainsi les chances de conception. La vitamine D agit sur les récepteurs des ovaires, favorisant la maturation des ovocytes. Une carence peut réduire la qualité des ovocytes et accélérer le vieillissement ovarien, diminuant ainsi la fertilité. Enfin, la vitamine D possède des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes qui protègent les cellules reproductrices. Une carence peut favoriser un environnement inflammatoire néfaste pour la fertilité.
Nous avons passé en revue les cinq principales sources d’hypofertilité féminine, qui sont intéressantes à investiguer avant d’entamer un parcours hypermédicalisé. Former les femmes à la symptothermie semble être une thérapie de première ligne raisonnable dans le cadre de l’hypofertilité féminine. Elle permet non seulement d’identifier la fenêtre fertile du cycle pour favoriser une conception, mais aussi de vérifier que la phase lutéale est suffisamment longue pour permettre la nidation. Par ailleurs, observer son cycle va nous permettre d’affiner le bilan de fertilité et de proposer une prise en charge personnalisée et optimale. Enfin, il me semble crucial de s’assurer que certains marqueurs sont dans les fourchettes optimales de santé fonctionnelle. Et pour cela, réaliser des bilans thyroïdien et hormonaux complets et au bon moment du cycle et vérifier les statuts en vitamine D et CoQ10.